Au début de l’été 2014, quatre artistes créent le groupe de réflexion Économie Solidaire de l’art, qui vise à améliorer la situation économique des artistes plasticien-ne-s et des travailleur·se·s de l’art en France*. Aujourd’hui, alors que le groupe initial s’est agrandi, la page facebook réunit plus de 16 750 adherent·e·s : artistes, critiques et commissaires, responsables d’institutions et d’associations, étudiant·e·s en écoles d’art, journalistes, professionnel·le·s de la culture…

À l’origine et au centre d’une économie de l’art qui donne lieu à une intense activité, les artistes-auteur·trice·s, les indépendant·e·s et les professionnel·le·s du secteur travaillent – paradoxalement – pour la plupart d’entre eux, elles, dans une grande précarité.

Les logiques d’excellence qui régissent légitimement le monde de l’art ne justifient ni le travail gratuit ou précaire de ses acteurs et actrices, ni les écarts croissants entre la production des œuvres et la distribution de la valeur qui en résulte.

Depuis des décennies, l’absence de véritable représentation des artistes-auteur·trice·s, le désintérêt patent des tutelles, la gestion erratique des organismes qui ont pour mission d’assurer la gestion et l’équilibre de leur régime de sécurité sociale, etc. ont conduit à des manques très graves et préjudiciables. Le non-respect de leurs droits sociaux les plus élémentaires – en particulier celui qui concerne leur régime de retraite – constitue notamment une véritable bombe à retardement.

Contrairement aux mouvements et aux réflexions menés autour du régime des intermittent·e·s du spectacle, les artistes-auteur·trice·s n’avaient encore jamais été capables d’ouvrir un débat à grande échelle sur les conditions d’exercice et de rémunération de leurs activités.

Le projet Économie Solidaire de l’Art vise donc à discuter et à formaliser des dispositifs permettant d’améliorer significativement cette situation, en impliquant l’ensemble des professionnel·le·s concerné·e·s, dans un cadre institutionnel ou non, privé ou public.

Nous sommes en effet convaincu·e·s qu’il est aujourd’hui possible de dépasser l’individualisme et l’isolement des acteurs et actrices de notre secteur et d’inventer de nouvelles solidarités et soutiens à la création contemporaine. Le débat est ouvert ; le groupe Économie Solidaire de l’Art invite le plus largement possible l’ensemble des professionnel·le·s de la filière à y participer. Notre projet est disponible sur notre page Facebook et sur notre site internet.

Un projet en plusieurs volets

En 2016, Économie Solidaire de l’Art a créé une charte à l’attention de tous les acteurs et actrices des arts visuels en France, visant à faire valoir une éthique des situations de création et une rémunération pour toute intervention sollicitée auprès des artistes indépendant·e·s.

Depuis 2014, de très nombreux chantiers de travail (initiés par le ministère de la Culture, des associations, organisations d’artistes, etc) ont été mis en place en France. Économie Solidaire de l’Art prend part à ces chantiers et s’efforce d’intervenir et d’enrichir chaque débat de données techniques, philosophiques et politiques qui permettent une mise en perspective de l’ensemble des métiers de la création artistique.

À terme, nous visons à :

Imposer une rémunération obligatoire et proportionnelle dans le cadre de toute prestation artistique sollicitée, quelle que soit la forme de cette dernière : en amont (création, préparation, étude, répétition, etc.), pendant (montage, publication, vernissage, lecture, dédicace, conférence, workshop, etc.), ou en aval (exposition, reproduction, diffusion). Rémunération proportionnelle au travail effectué et à l’ambition de l’événement et du lieu.

Instaurer une présence réelle, plurielle et régulièrement renouvelée des artistes-auteur·trice·s dans toutes les institutions régissant leurs métiers (Urssaf, Ircec…), au ministère de la Culture ainsi que dans les différentes commissions professionnelles : bourses, aides aux projets, jurys,… à parts égales avec les financeurs et professionnel·le·s de l’art (critiques, galeristes, commissaires), dans les conseils d’administration des grands musées, etc.

Créer un fonds de soutien financé et alimenté par un prélèvement (pourcentage) réduit sur toutes les opérations et productions artistiques en France (au même titre que la TSA). Il serait consacré au développement des arts visuels : productions, construction et/ou aménagement d’ateliers d’artistes, investissements immobiliers en vue de l’acquisition d’espaces de travail et de diffusion, soutien aux artistes-auteur·trice·s et professionnel·le·s les plus précaires mais aussi à l’abondement et donc au renforcement des régimes de retraite de base et complémentaire. (On entend par opérations et productions artistiques : les créations, productions, ventes privées en galeries et salles de ventes, foires ; billetteries privées et publiques des musées, fondations et festivals ; vente d’images, reproduction d’œuvres auprès des banques d’images privées et publiques, etc.).

Seraient éligibles à ce fonds celles et ceux qui ont la création artistique pour activité principale (affilié·e·s au régime de sécurité sociale des artistes). Sa mise en œuvre nécessiterait la création d’une instance représentative (ou son adossement à une structure existante), chargée de diffuser, convaincre et négocier auprès des différents acteurs et actrices privé·e·s et public·que·s de l’économie de l’art en France.

Instaurer un pourcentage pour l’artiste à chaque vente et revente en galerie et revaloriser le pourcentage de droit de suite pour les artistes vivant·e·s.

* Économie Solidaire de l’Art : Pierre Beloüin, Carole Douillard, P. Nicolas Ledoux, Thierry Fournier (jusqu’en 2019), rejoints par Grégory Jérôme, Guillaume Aubry et Damien Beguet.